
4. Analyses linéaires
Sido - Les jardins d'enfance : analyse linéaire
Texte étudié
Dans mon quartier natal, on n’eût pas compté vingt maisons privées de jardin. Les plus mal partagées jouissaient d’une cour, plantée ou non, couverte ou non de treilles. Chaque façade cachait un « jardin-de-derrière » profond, tenant aux autres jardins-de-derrière par des murs mitoyens. Ces jardins-de-derrière donnaient le ton au village. On y vivait l’été, on y lessivait ; on y fendait le bois l’hiver, on y besognait en toute saison, et les enfants, jouant sous les hangars, perchaient sur les ridelles* des chars à foin dételés.
Les enclos qui jouxtaient le nôtre ne réclamaient pas de mystère : la déclivité du sol, des murs hauts et vieux, des rideaux d’arbres protégeaient notre « jardin d’en haut » et notre « jardin d’en bas ». Le flanc sonore de la colline répercutait les bruits, portait, d’un atoll maraîcher cerné de maisons à un « parc d’agrément », les nouvelles.
De notre jardin, nous entendions, au Sud, Miton éternuer en bêchant et parler à son chien blanc dont il teignait, au 14 Juillet, la tête en bleu et l’arrière-train en rouge. Au Nord, la mère Adolphe chantait un petit cantique en bottelant des violettes pour l’autel de notre église foudroyée, qui n’a plus de clocher. À l’Est, une sonnette triste annonçait chez le notaire la visite d’un client… Que me parle-t-on de la méfiance provinciale ? Belle méfiance ! Nos jardins se disaient tout.
Oh ! aimable vie policée de nos jardins ! Courtoisie, aménité de potager à « fleuriste » et de bosquet à basse-cour ! Quel mal jamais fût venu par-dessus un espalier mitoyen, le long des faîtières* en dalles plates cimentées de lichen et d’orpin brûlant, boulevard des chats et des chattes ? De l’autre côté, sur la rue, les enfants insolents musaient, jouaient aux billes, troussaient leurs jupons, au-dessus du ruisseau ; les voisins se dévisageaient et jetaient une petite malédiction, un rire, une épluchure dans le sillage de chaque passant, les hommes fumaient sur les seuils et crachaient…Gris de fer, à grands volets décolorés, notre façade à nous ne s’entrouvrait que sur mes gammes malhabiles, un aboiement de chien répondant aux coups de sonnette, et le chant des serins verts en cage.
Peut-être nos voisins imitaient-ils, dans leurs jardins, la paix de notre jardin où les enfants ne se battaient point, où bêtes et gens s’exprimaient avec douceur, un jardin où, trente années durant, un mari et une femme vécurent sans élever la voix l’un contre l’autre…
Colette, Sido, (1929)
Introduction
Présentation de l'auteur, de l'œuvre et de l'extrait
Sido est un recueil de souvenirs d’enfance publié en 1930 par l’écrivaine Gabrielle Sidonie Colette. L’autrice y retrace les dernières années de son enfance passée dans son village de Bourgogne, en évoquant à la fois ses liens privilégiés avec sa mère, Sidonie, affectueusement surnommée « Sido » et l’attachement profond qu’elle nourrit pour la nature.

Dans l’extrait étudié, Colette décrit sa maison et surtout son jardin, ainsi que ceux qui l’entourent, qu’elle présente comme un espace de rencontre et de communion au cœur de la vie villageoise.
Analyse générale du passage
Ce petit complément ne sera pas à restituer à l’oral : il te permet juste de situer le passage et d’en comprendre les enjeux avant d’aller plus loin dans l’analyse.
Dans ce texte extrait de Sido, Colette évoque avec tendresse le monde de son enfance et plus particulièrement les jardins qui l’entouraient. Ces espaces verdoyants ne sont pas de simples décors : ils incarnent une véritable philosophie de vie, fondée sur la simplicité, la convivialité et l’harmonie avec la nature. À travers un regard à la fois poétique et social, l’autrice restitue la vie d’un village où chaque maison semble respirer au rythme des saisons. La précision sensorielle des descriptions — odeurs, sons, lumières — traduit une immersion totale dans un univers familier et chaleureux. Les jardins deviennent ainsi le cœur battant de la communauté, un lieu d’échanges et de complicités, mais aussi un espace symbolique où se déploient la mémoire et la douceur de vivre. Par la musicalité de sa prose et l’usage constant de la personnification, Colette fait de la nature un être vivant, complice de l’homme. Ce passage célèbre autant la beauté du monde sensible que la richesse des liens humains qui s’y tissent, faisant des jardins un paradis quotidien, reflet d’une enfance heureuse et d’un idéal de paix domestique.
problématique
Comment Colette fait-elle des jardins un souvenir heureux, symbole d’une enfance idéale ?
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