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2. Commentaires

Montaigne - Les Essais « Sur l’inégalité entre les hommes » - Livre I, Chap. 42



📢 Le commentaire que je te propose suit une démarche progressive, étape par étape. C’est une méthode que tu peux facilement reprendre à l’écrit au bac, pour bien structurer ton analyse et gagner en clarté.


 Texte : sujet bac de français 2025 - Amérique du Nord

Michel de Montaigne [1553-1592], Essais, « Sur l’inégalité entre les hommes », Livre I, Chapitre 42, translation en français moderne du texte de l’édition de 1595 par Guy de Pernon, 2016, pp. 379-389.


Fin observateur de la nature humain, Michel de Montaigne confronte souvent sa pensée à celle des Anciens. Dans les lignes qui suivent, il invite le lecteur à réfléchir avec lui et à remettre en cause une mauvaise habitude des hommes.


Mais à propos de l’appréciation des hommes, il est étonnant de voir que, nous mis à part, il n’est aucune chose qui ne soit estimée autrement qu’en vertu de ses qualités propres. Nous vantons un cheval parce qu’il est vigoureux et adroit.

Nous vantons un cheval pour sa vitesse,

pour les palmes facilement remportées,

et ses victoires dans le cirque qui l’applaudit1,


Mais nous ne le vantons point pour son harnais2. Nous vantons un lévrier3 pour sa rapidité, non pour son collier ; un faucon dressé pour son vol, et non pour ses courroies et ses lacets4.


Pourquoi, s’agissant d’un homme, ne procédons-nous pas de même en l’estimant pour ce qui lui appartient en propre ? Il mène grand train, il a un beau château, tant de crédit et tant de rente : tout cela est extérieur et non en lui-même. Vous n’achetez pas un chat sans le voir ; si vous marchandez un cheval, vous lui ôtez ses harnais, vous l’examinez nu et à découvert. Et s’il est couvert, comme on le faisait autrefois quand on le vendait aux Princes, ce n’est que sur les parties les moins importantes, pour qu’on n’aille pas s’intéresser à la beauté de son poil ou à la largeur de sa croupe, mais que l’on considère surtout ses pattes, ses yeux, ses pieds, qui sont les éléments les plus importants.

La coutume, pour les rois qui achètent un cheval,

Est de l’examiner couvert, pour que, comme trop souvent,

S’il a belle tête et le pied mou, il ne se laisse attirer

Par une belle croupe, une jolie tête, une fière encolure5.


Lors pourquoi, pour juger un homme, le jugez-vous tout enveloppé et comme empaqueté ? Il prend bien soin de ne nous montrer que les éléments qui ne sont pas les siens, et nous cache ceux par lesquels seulement on peut vraiment estimer sa valeur. Ce que vous recherchez, c’est le prix de l’épée, non de son fourreau ; et peut-être bien que vous n’en donnerez pas un sou quand vous l’aurez dégainée. Et comme le disait plaisamment un Ancien : « Savez-vous pourquoi vous estimez qu’il est grand ? C’est que vous comptez aussi la hauteur de ses patins6. » Le socle ne fait pas partie de la statue. Mesurez cet homme sans ses échasses7 ; qu’il mette à part ses richesses et ses titres, qu’il se présente en chemise : son corps est-il apte à ses fonctions, sain et plein d’entretien ? Quelle âme a-t-il ? Est-elle belle, élevée, et bien pourvue de tous ses éléments ? Est-elle riche de par elle-même, ou tient-elle cela d’autrui ? La chance y est-elle pour quelque chose ? Est-ce que, les yeux grands ouverts, elle affronte les épées que l’on tire ? Est-ce qu’elle se moque de savoir par où la vie peut s’en aller, par la bouche ou par le gosier ? Est-ce qu’elle est sûre d’elle-même, calme et contente de son sort ? C’est là ce qu’il faut voir, c’est par là que l’on peut juger des différences extrêmes qu’il y a entre nous.

Cet homme est-il sage et maître de lui ?

La pauvreté, la mort, les fers, ne le font-ils trembler ?

Peut-il tenir tête à ses passions, mépriser les honneurs,

Rond et poli comme une boucle sur laquelle tout glisse,

Et contre laquelle échouent toujours les coups du sort ? 8


Un tel homme est alors cinq cents brasses9 au-dessus des royaumes et des duchés ; il est à lui-même son empire.



1. Citation de Juvénal, poète satirique romain du la fin du 1er siècle et du début du IIe siècle ap. J.-C.

2. Harnais : équipement qui permet de lier un cheval à un dispositif à tracter.

3. Lévrier : race de chien longiligne et très musclé, au corps souple et léger, bâti pour la course.

4. Ses courroies et ses lacets : éléments dont se servent les fauconniers pour immobiliser leur oiseau de proie.

5. Citation de Horace, poète latin [65 ab. J.-C. – 8 av. J.-C.].

6. Citation de Horace, poète latin [65 av. J.-C. – 8 av. J.-C.]

7. Echasses : pièces longilignes, généralement en bois, que l’on ajoute sous les pieds pour gagner en hauteur.

8. Citation de Horace, poète latin [65 av. J.-C. – 8 av. J.-C.]

9. Cinq cents brasses : signifie ici qu’un tel homme est très au-dessus. La brasse est une unité de mesure.



1. Contexte de l'extrait


  • Le texte est écrit par Michel de Montaigne, un auteur du XVIe siècle. Des nouveaux genres de littératures apparaissent comme la littérature courtoise ou humaniste.


  • L’humanisme est un courant intellectuel, culturel et artistique qui se développe en Europe à la Renaissance et se développe principalement XVIe siècle. Il place l’homme, la raison et le savoir au centre de ses préoccupations, en rupture partielle avec la vision médiévale du monde, dominée par la religion.


  • Ce texte est donc argumentatif et tente de démontrer le point de vue de Montaigne.



2. Analyse préliminaire

Prends toujours le temps de te poser ces questions : elles t’aideront à dégager les principaux enjeux du texte.


  • De quoi parle le texte ?

    Le texte évoque le jugement de la valeur des hommes


  • Quel est l'intérêt de cet extrait ?

    L'intérêt du texte porte sur le poids des apparences, des richesses, du statut


  • Que propose l’auteur ?

    Il propose de juger l’homme pour ses qualités intérieures, sa vertu


  • Quel est l’enjeu (le but) ?

    L'enjeu (ou le but) de l'extrait est de redéfinir ce qui fait la grandeur véritable d’un individu



🔎 Problématiques possibles



Montaigne écrivant Les Essais et notamment son article sur l'inégalité entre les hommes
  • Comment Montaigne dénonce-t-il la superficialité des jugements sociaux pour valoriser une vision humaniste de l’homme fondée sur ses qualités intérieures ?


  • Comment Montaigne critique-t-il les jugements fondés sur les apparences ?










Débloque le commentaire complet : plan détaillé, procédés et interprétations, tout pour garantir ta réussite à l’écrit.

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