
2. Commentaires
Musset - Lorenzaccio : commentaire de la confrontation de Lorenzo et Philippe (Acte III, Scène 3)
📢 Le commentaire que je te propose suit une démarche progressive, étape par étape. C’est une méthode que tu peux facilement reprendre à l’écrit au bac, pour bien structurer ton analyse et gagner en clarté.
Texte : sujet de bac français 2022 - Amérique du Nord
Alfred de Musset [1810-1857], Lorenzaccio, extrait de l’acte III, scène 3, 1834.
Ce dialogue se déroule en Italie, dans la ville de Florence, au XVIe siècle. Lorenzo est proche
de son cousin le duc Alexandre de Médicis qui gouverne la ville. Le chef des r épublicains
Philippe Strozzi demande à Lorenzo d’agir contre le duc Alexandre qui se comporte comme
un tyran. En effet, Pierre et Thomas, les fils de Philippe, viennent d’être arrêtés et risquent
d’être exécutés.
PHILIPPE.
Il faut nous délivrer des Médicis, Lorenzo. Tu es un Médicis toi-même, mais
seulement par ton nom ; si je t’ai bien connu, si la hideuse comédie que tu joues m’a trouvé
impassible et fidèle spectateur, que l’homme sorte de l’histrion1. Si tu as jamais été quelque
chose d’honnête, sois-le aujourd’hui. Pierre et Thomas sont en prison.
LORENZO.
Oui, oui, je sais cela.
PHILIPPE.
Est-ce là ta réponse ? Est-ce là ton visage, homme sans épée2 ?
LORENZO. Que veux-tu ? dis-le, et tu auras alors ma réponse.
PHILIPPE.
Agir ! Comment, je n’en sais rien. Quel moyen employer, quel levier mettre
sous cette citadelle de mort, pour la soulever et la pousser dans le fleuve ; quoi faire, que
résoudre, quels hommes aller trouver, je ne puis le savoir encore. Mais agir, agir, agir !
Ô Lorenzo, le temps est venu. N’es-tu pas diffamé, traité de chien et de sans coeur ? Si j’ai
tenu en dépit de tout ma porte ouverte, ma main ouverte, mon coeur ouvert, parle, et que je
voie si je me suis trompé. Ne m’as-tu pas parlé d’un homme qui s’appelle aussi Lorenzo, et
qui se cache derrière le Lorenzo que voilà ? Cet homme n’aime-t-il pas sa patrie, n’est-il pas
dévoué à ses amis ? Tu le disais, et je l’ai cru. Parle, parle, le temps est venu.
LORENZO.
Si je ne suis pas tel que vous le désirez, que le soleil me tombe sur la tête.
PHILIPPE.
Ami, rire d’un vieillard désespéré, cela porte malheur ; si tu dis vrai, à l’action !
J’ai de toi des promesses qui engageraient Dieu lui-même, et c’est sur ces promesses que je
t’ai reçu. Le rôle que tu joues est un rôle de boue et de lèpre3, tel que l’enfant prodigue4 ne
l’aurait pas joué dans un jour de démence ; et cependant je t’ai reçu. Quand les pierres
criaient à ton passage, quand chacun de tes pas faisait jaillir des mares de sang humain, je
t’ai appelé du nom sacré d’ami ; je me suis fait sourd pour te croire, aveugle pour t’aimer ; j’ai
laissé l’ombre de ta mauvaise réputation passer sur mon honneur, et mes enfants ont douté
de moi en trouvant sur ma main la trace hideuse du contact de la tienne. Sois honnête, car je
l’ai été ; agis, car tu es jeune, et je suis vieux.
LORENZO.
Pierre et Thomas sont en prison ; est-ce là tout ?
PHILIPPE.
Ô ciel et terre, oui ! c’est là tout. Presque rien, deux enfants de mes entrailles
qui vont s’asseoir au banc des voleurs. Deux têtes que j’ai baisées autant de fois que j’ai de
cheveux gris, et que je vais trouver demain matin clouées sur la porte de la forteresse ; oui,
c’est là tout, rien de plus, en vérité.
LORENZO.
Ne me parle pas sur ce ton ; je suis rongé d’une tristesse auprès de laquelle la
nuit la plus sombre est une lumière éblouissante. (Il s’assoit près de Philippe.)
PHILIPPE.
Que je laisse mourir mes enfants, cela est impossible, vois-tu ! On
m’arracherait les bras et les jambes, que, comme le serpent, les morceaux mutilés de
Philippe se rejoindraient encore et se lèveraient pour la vengeance. Je connais si bien tout
cela ! Les Huit5 ! un tribunal d’hommes de marbre ! une forêt de spectres, sur laquelle passe
de temps en temps le vent lugubre du doute qui les agite pendant une minute, pour se
résoudre en un mot sans appel. Un mot, un mot, ô conscience ! Ces hommes-là mangent, ils
dorment, ils ont des femmes et des filles ! Ah ! qu’ils tuent et qu’ils égorgent ; mais pas mes
enfants, pas mes enfants !
1. Histrion : bouffon.
2. Homme sans épée : expression méprisante.
3. Lèpre : maladie contagieuse qui ronge la peau et les membres, ici au sens figuré.
4. Enfant prodigue : mauvais fils quittant son père, dans l’Évangile, avant d’être pardonné par celui-ci.
1. Contexte de l'extrait
Alfred de Musset écrit Lorenzaccio en 1834, en s’inspirant d’un épisode historique du XVIᵉ siècle à Florence. La pièce, située dans un climat de complots et de tyrannie, raconte comment Lorenzo de Médicis, cousin du duc Alexandre, feint la débauche pour mieux approcher le tyran et préparer son assassinat.
Dans cet extrait de l’acte III, scène 3, Philippe Strozzi, chef des républicains, confronte Lorenzo : ses deux fils, Pierre et Thomas, viennent d’être arrêtés et risquent l’exécution. Philippe presse Lorenzo d’agir contre le duc, espérant que ce dernier retrouve l’honneur et le courage qu’il cachait derrière son rôle de débauché. Ce passage met donc en jeu les tensions entre la loyauté envers ses amis, l’engagement politique et la lassitude morale dans un contexte de corruption généralisée.
2. Analyse préliminaire
Prends toujours le temps de te poser ces questions : elles t’aideront à dégager les principaux enjeux du texte.
De quoi parle le texte ?
Il s’agit d’un dialogue où Philippe Strozzi exhorte Lorenzo à agir contre le duc Alexandre pour sauver ses fils et libérer Florence.
Quel est l'intérêt de cet extrait ?
Il met en lumière la tension entre l’urgence de l’action politique (arrêter Alexandre) et l’inaction apparente de Lorenzo.
Quelle(s) idée(s) l’auteur cherche-t-il à faire passer ?
Musset met en scène une confrontation tendue qui oppose les volontés républicaines de Philippe au silence et à la lassitude de Lorenzo. Il explore ainsi les contradictions entre convictions personnelles, amitié et stratégie politique.
Quel est l’enjeu (le but) ?
Montrer la grandeur tragique des personnages dans l’épreuve : comment deux êtres,
liés par l’amour, doivent se quitter au nom de valeurs supérieures (la gloire, l’empire, la loi de Rome).

🔎 Problématiques possibles
Comment ce dialogue met-il en évidence le dilemme de Lorenzo face à la situation politique ?
Comment Lorenzo est-il partagé entre l’appel à l’action et un profond désespoir ?
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