
5. Synthèses
Synthèse : Manon Lescaut - La scène de la rencontre
Texte étudié
J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! J'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes par curiosité jusqu'à l'auberge où ces voitures descendent. Nous n'avions point d'autre motif que de savoir de quelles personnes il était rempli. Il en sortit quelques femmes qui se retirèrent aussitôt ; il n'en resta qu'une fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle était si charmante, que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, et à qui il n'était peut-être jamais arrivé de regarder une fille pendant une minute, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouve enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut naturel d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut le compliment honnête que je lui fis sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance ? Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi ; c'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, et pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré ; et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens.
A. Prévost, Manon Lescaut, (1731)
Introduction
Présentation de l'auteur, de l'œuvre et de l'extrait
En 1731, l’abbé Prévost publie Manon Lescaut, roman d’amour et d’aventures devenu mythique, où un jeune homme sacrifie tout pour celle qu’il aime.
L’extrait étudié correspond à la scène de la première rencontre entre Des Grieux et Manon, moment décisif où le héros tombe instantanément amoureux, amorçant ainsi toute l’intrigue.
Analyse générale du passage
Ce petit complément ne sera pas à restituer à l’oral : il te permet juste de situer le passage et d’en comprendre les enjeux avant d’aller plus loin dans l’analyse.
Dans ce passage, Prévost fait du coup de foudre entre Des Grieux et Manon le point de départ d’une passion absolue qui va bouleverser tout le roman. La rencontre est à la fois banale et extraordinaire : elle se déroule dans un lieu banal, une auberge, mais ce hasard devient le point de départ d’un destin tragique. Par le regard émerveillé de Des Grieux, le lecteur découvre une héroïne à la fois innocente et mystérieuse, promise à une existence hors du commun. La sobriété du style, le rythme du récit et le choix des mots traduisent la violence du sentiment amoureux et la perte de maîtrise du jeune homme. Ce premier instant condense déjà les grands thèmes du roman : le pouvoir des émotions, la fragilité de la raison et la fatalité du désir.
Ainsi, à travers cette scène, Prévost transforme une rencontre fortuite en un moment fondateur du roman à la fois amoureux et tragique au XVIIIᵉ siècle.
problématique
Comment Prévost met-il en scène le coup de foudre qui bouleverse le destin de Des Grieux ?
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