top of page

On ne badine pas avec l'amour - Musset - Acte III, scène 3

Dernière mise à jour : 26 mars


Un prof à tes côtés - cours francais - musset - acte 3 - scene 3


📢 Extrait

Acte III - Scène 3 : la manipulation de Perdican

« Je t’aime, Rosette !” à “Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ? »





1. Introduction


  • Présentation de l’auteur, de l’oeuvre et de l’extrait

Alfred de Musset, poète et dramaturge du XIXe siècle, a écrit On ne badine pas avec l'amour à l'âge de 24 ans. Cette pièce s'inscrit dans le mouvement littéraire du romantisme. Écrite en prose, sans rime, elle oscille entre un ton léger et grave, caractéristique du drame romantique. Les personnages principaux, Camille et Perdican, sont deux cousins amis d'enfance, mais leurs éducations les ont menés sur des chemins très différents : Camille a été élevée au couvent, tandis que Perdican a connu une vie beaucoup plus libre et libertine. La pièce débute avec les retrouvailles de ces deux personnages, mettant en scène les tensions et les émotions liées à leurs passés contrastés.


Dans la scène 3 de l’acte III, Perdican, blessé par Camille, cherche à se venger en séduisant Rosette, la sœur de lait de Camille. Ce passage mêle séduction et manipulation et Musset révèle la complexité des sentiments humains tout en mettant en lumière les enjeux du désir et de la vengeance.

2. Lecture de l’extrait

Lors de ton passage à l'oral, tu peux lire le texte à tout moment dans l'introduction. Cependant, beaucoup d'élèves oublient de le faire. Je te recommande donc de lire le texte juste après la présentation de l'œuvre et de l'extrait.


Extrait de l'acte III, scène 3



3. Annonce de la problématique

Comment Musset met-il en scène les ambiguïtés du jeu amoureux entre sincérité et manipulation ?



4. Annonce des mouvements


I. La mise en scène d’une déclaration d’amour ambiguë

II. Une manipulation théâtralisée

III. Une tirade implicitement destinée à Camille




I. La mise en scène d’une déclaration d’amour ambiguë

de Perdican, "à haute voix" à Rosette "vous me donnez votre chaine d’or ?"


  • Une intention délibérée


La didascalie "à haute voix" intensifie la théâtralité de la scène. Elle montre que Perdican s’adresse à Rosette pour la séduire, mais aussi pour provoquer une réaction chez Camille. Il y a ici un double discours : ce qui est dit à Rosette est en réalité destiné à Camille. Cette dimension scénique contribue à la tension dramatique, car le spectateur ou le lecteur perçoit que la situation risque d’échapper à Perdican.



  • Une déclaration d’amour ambiguë et exagérée


Perdican utilise un langage excessif et théâtral pour flatter Rosette et lui donner de l'importance. L’hyperbole "toi seule au monde" et l’expression "rien oublié" , créent l’illusion d’un amour unique et sincère. Le recours au passé et l'évocation des "beaux jours passés", renforce cette impression en jouant sur la nostalgie. Perdican cherche ainsi à toucher la sensibilité de Rosette tout en rappelant à Camille ce qu'elle tente d'effacer : leur complicité d’enfance (cf acte II, scène 5 : "tu reniais les jours de ton enfance").


L’anaphore "toi seule" accentue cette mise en scène en donnant à Rosette un rôle exclusif. Cette flatterie vise à la séduire en la persuadant qu’elle est essentielle et irremplaçable. L’ insistance sur les souvenirs partagés crée une complicité illusoire qui oppose Rosette à Camille, celle-ci ayant renié leur passé commun.


Enfin, le lexique de la nostalgie "la vie qui n’est plus" contribue à idéaliser un passé fictif dans lequel Rosette aurait toujours été présente et fidèle, contrairement à Camille. Ainsi, sous une apparence de sincérité, cette déclaration est en réalité empreinte de duplicité (hypocrisie). Perdican manipule Rosette pour la séduire tout en cherchant à piquer Camille, qu’il sait à l’écoute.


  • Un futur prometteur mais trompeur


Perdican joue sur l’illusion d’un avenir commun en lançant à Rosette l’invitation "prends ta part de ma vie nouvelle". Cette promesse, en apparence engageante, reste pourtant vague et dénuée de véritable substance. Il lui donne l’impression d’occuper une place essentielle à ses côtés, tout en cachant le caractère temporaire et intéressé de cette déclaration. Le verbe "prends" suggère une relation d’égalité, alors qu’elle est en réalité manipulée.


L’injonction "donne-moi ton cœur" révèle une exigence d’amour total, mais unilatérale. Perdican réclame les sentiments de Rosette mais n'engage pas les siens en retour. L’image du "cœur" traduit davantage une tentative de contrôle sur les émotions de la jeune fille. Le terme "gage" renforce cette illusion d’engagement en évoquant une garantie, mais cette promesse est trompeuse.


Enfin, la didascalie souligne l’importance du geste symbolique. En offrant un objet précieux, Perdican donne à son affection une apparence de sincérité. Mais ce cadeau devient un instrument de domination, matérialisant son emprise sur Rosette tout en servant son dessein de manipulation : d’un côté, il flatte et manipule Rosette, de l’autre, il provoque Camille, en lui montrant qu’il est capable de se détourner d’elle.




II. Une manipulation théâtralisée

de Perdican "regarde à présent cette bague" à "c’était une bague que m’avait donnée Camille."



  • La métaphore de la fontaine


La fontaine et la bague deviennent des métaphores de la relation entre Perdican et Camille, symbolisant à la fois leur passé commun et l’illusion d’un engagement. À travers une série d’injonctions "regarde" , "lève-toi ", "approchons-nous". Perdican domine la scène et marque son emprise sur la situation, le plaçant en véritable metteur en scène d’un moment qu’il orchestre à son avantage. Ses gestes reflètent ainsi l’instabilité de ses émotions et le double discours qu’il entretient. Cette déclaration est une manœuvre calculée plutôt qu’un véritable élan du cœur.



  • L’illusion des sentiments


Perdican construit une vision romantique idéalisée en utilisant des images de proximité, comme l’expression "appuyés l’un sur l’autre", qui donne l’illusion d’un lien profond avec Rosette. Il renforce cette mise en scène à travers des questions rhétoriques, qui ajoutent à la théâtralité du passage et invitent Rosette à se projeter dans cette image, tout en poussant Camille à réfléchir à cette proximité et à l’intimité qu’ils partageaient autrefois, ce qui accentue son trouble.


L’ eau, ici, joue un rôle symbolique en faisant office de miroir des émotions : elle reflète la tendresse apparente de la scène, tout en soulignant son caractère éphémère et illusoire. L’idéal romantique qu’il dépeint repose sur l’usage des possessifs "tes, miens, mienne", qui renforcent l’idée d’un couple uni. L’allusion au mariage est subtilement suggérée à travers l’image de "ta main dans la mienne", évoquant une union intime et exclusive. Perdican façonne cette vision à sa convenance pour créer une scène d’apparence idyllique, tout en jouant sur la fragilité des émotions humaines.



  • La manipulation de Perdican


Perdican manipule habilement les émotions de Rosette à travers des gestes et des paroles chargés de sens. L'injonction "Regarde tout cela s’effacer" dramatise la scène et l'invite à observer la disparition de leur reflet dans l'eau qui devient une métaphore des sentiments instables et éphémères.

Son geste symbolique, en jetant la bague dans l’eau, matérialise une rupture. Cet objet, chargé de souvenirs et de promesses, incarne à la fois son passé avec Camille et son engagement apparent envers Rosette. Pourtant, ce geste n'est qu'une illusion.


Enfin, le retour progressif de l’image dans l’eau "la voilà qui revient peu à peu" souligne l'instabilité des sentiments. Les personnages peuvent essayer de restaurer ce qui semble perdu, mais l’harmonie véritable leur échappe constamment, nourrissant la tension entre Perdican et Camille. Cette phrase revêt même une dimension prophétique : elle illustre leur incapacité à stabiliser leurs émotions et annonce une fin tragique.



  • Une tension entre trouble et équilibre


L’ eau retrouve progressivement son calme ce qui symbolise un équilibre fragile. Mais ce répit est trompeur. Le verbe "tremble", associé à l’adverbe "encore", souligne une persistance de la fragilité : le calme n’est qu’apparent, masquant des tensions sous-jacentes qui ne demandent qu’à ressurgir.


Le lexique du mouvement et de la transformation"s’effacer, revenir, trembler" met en lumière l’instabilité émotionnelle des personnages. L’image des cercles noirs évoque les répercussions insidieuses des manipulations de Perdican, qui, comme les ondulations dans l’eau, se propagent et affectent durablement Rosette et Camille. Les traces laissées par ces perturbations montrent que ses actes ont des conséquences irréversibles.



  • Une temporalité étirée : la manipulation par l’ attente


Perdican manipule habilement le temps et les émotions pour asseoir son emprise sur Rosette. En jouant sur le lexique du temps "patience", "déjà", "encore une minute", il instaure une attente calculée qui crée une tension dramatique. Cette temporalité étirée lui permet de maintenir Rosette sous son influence, tout en donnant l’illusion d’un contrôle sur le temps et les émotions. Pourtant, ce contrôle est faux et ne fait que renforcer la théâtralité de la scène.


L’image corporelle "tes bras enlacés dans les miens" suggère une intimité sincère, mais qui s’avère trompeuse. Cette fausse proximité sert autant à séduire Rosette qu’à manipuler Camille, la véritable spectatrice de cette mise en scène. Perdican joue sur l’illusion d’un amour naissant pour provoquer une réaction chez celle qu’il aime réellement.


Le lexique de l’idéal et de l'éloge renforce cette illusion. L’hyperbole " il n’y aura plus une ride" évoque un retour à une harmonie parfaite, en effaçant les troubles visibles, comme si l’eau agitée pouvait retrouver son calme absolu. En flattant Rosette avec « ton joli visage », il nourrit l’illusion de sincérité et renforce son emprise affective.


Enfin, la répétition de l’impératif "regarde" souligne l’importance du geste et de l’objet symbolique qu’il met en scène. Il force Camille à se confronter au passé et à reconnaître la valeur de leur histoire commune.

Perdican utilise ainsi Rosette comme un instrument destiné à atteindre Camille.


Cette stratégie intensifie la charge émotionnelle de la scène et souligne l’instabilité des promesses qu’il fait, annonçant ainsi la tragédie à venir.



III. Une tirade implicitement destinée à Camille

de Camille "Il a jeté ma bague dans l’eau ! " à la fin


  • La remarque de Camille


L’aparté de Camille soulignée par la didascalie met en lumière la dimension provocatrice du geste de Perdican et rappelle la présence de Camille sur scène. Son exclamation trahit une émotion intense, oscillant entre blessure et jalousie. Musset rappelle ainsi l’importance des objets comme symboles des sentiments. Le geste de Perdican devient alors un véritable déclencheur émotionnel et dramatique pour Camille, intensifiant la tension entre les deux personnages et précipitant le conflit latent.



  • L’interrogation directe


Lorsqu’il interroge Rosette avec « sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? », Perdican adopte un ton à la fois didactique et condescendant. La question rhétorique n’a pas pour but d’obtenir une réponse, mais d’imposer son influence. Rosette, encore trop jeune et naïve, ne possède pas l’expérience nécessaire pour comprendre pleinement la portée de cette interrogation. Perdican s’en sert alors pour affirmer son emprise émotionnelle sur elle tout en provoquant Camille.


En répétant son prénom, il personnalise son discours et donne l’illusion d’une attention sincère, tout en renforçant son ascendant sur elle. Cette adresse directe exploite l’innocence de Rosette et met en lumière l'écart entre sa naïveté et la maturité affective de Perdican, qui manipule habilement ses sentiments pour servir ses propres desseins.



  • La description poétique de la nature


Perdican enchaîne avec une évocation lyrique et sensuelle de la nature : "le vent se tait" et "le soleil ranime les feuilles". Il donne vie aux éléments naturels en les personnifiant, symbolisant une harmonie retrouvée.


L’emploi des sensations visuelles « perles sur les feuilles séchées » et tactiles invite à une vision presque paradisiaque. Mais "la pluie du matin" évoque la rosée (fait écho au prénom de Rosette) qui est éphémère et le soleil la "sèche" . L’ amour de Perdican est semblable à la rosée, éphémère et peut nuire à Rosette. En liant la nature à l’amour, Perdican cherche à rendre ses sentiments plus beaux et universels. Ce lien entre amour et nature correspond à l’image de Rosette, simple et proche de la vie authentique. Cependant, ce discours a une double visée : séduire Rosette tout en adressant un reproche indirect à Camille, dont la froideur contraste avec la spontanéité naturelle attribuée à Rosette.



  • L’engagement


La déclaration d'amour "voilà que je t'aime" marque un moment fort du discours de Perdican. L’anaphore "par la lumière... par le soleil " donne une gravité presque sacrée à son engagement. Le lexique de la lumière : "lumière" et "soleil " renforcent l’idée de clarté et de vérité, contrastant avec l’ambiguïté des paroles et des actes de Perdican. Si Perdican semble sincère dans ce serment, le lecteur, conscient de son jeu, peut y voir une ironie tragique, car cet amour est utilisé comme arme contre Camille.



  • Une opposition volontaire et implicite


La question rhétorique "tu veux bien de moi ?" laisse entendre que Camille a rejeté Perdican, qui continue de manipuler Rosette pour l'atteindre. C’est presque une affirmation déguisée. Le "n’est-ce pas" suggère que Perdican attend un acquiescement de Rosette et laisse ainsi entendre qu'elle ne le rejettera pas comme l’a fait Camille.


Perdican, par la métaphore du verbe « flétrir » compare la jeunesse de Rosette une fleur. La négation souligne que chez Rosette la pureté et l’innocence ne sont pas corrompues (notamment par une éducation religieuse "on"). Cette question est une manière pour Perdican d’opposer Rosette à Camille. Il projette sur Rosette une image idéalisée de pureté et de spontanéité, qui contraste avec la froideur et la distance qu’il reproche à Camille. La dernière question (interronégative) utilise une métaphore biologique, celle du « sang vermeil » symbolisant la vitalité, la jeunesse et la pureté. Le « sang affadi » représente les déceptions et l’usure des sentiments. Les questions rhétoriques sont destinées à montrer que Rosette n’est pas pervertie par une éducation (religieuse), contrairement à Camille, qu’il accuse implicitement d’être « contaminée » par des idées reçues ou des expériences passées.


  • La reprise de la critique des religieuses


Perdican oppose deux visions de l’existence : celle de Camille, marquée par le renoncement et la froideur, et celle de Rosette, symbole de l’amour spontané et charnel. La métonymie "jeune et belle dans les bras d’un jeune homme" accentue l’idée de sensualité, réduisant l’amour à son aspect physique et romantique. L’emploi du verbe "vouloir " souligne l’opposition entre les désirs des deux femmes. La tonalité exclamative dans "te voilà" traduit un enthousiasme séduisant : en idéalisant Rosette, Perdican flatte sa spontanéité tout en lui assignant un rôle passif, celui d’un objet de désir. Son discours, sous couvert d’éloge, enferme la jeune fille dans une vision réductrice de la féminité, opposant l’amour vécu au renoncement religieux dans une mise en scène qui lui permet aussi d’exprimer un reproche à Camille.



  • L’amour : entre exaltation et manipulation



L’apostrophe "Ô Rosette, Rosette !" accompagnée de l’exclamation et de la répétition de son prénom traduit une intensité émotionnelle forte, donnant au discours de Perdican une gravité presque théâtrale. Cette insistance souligne l’importance du moment et accentue l’emprise qu’il cherche à exercer sur la jeune fille.


La question rhétorique « Sais-tu ce que c’est que l’amour ? » ne vise pas à obtenir une réponse mais à imposer la vision de Perdican, plaçant implicitement Rosette en position d’élève face à son savoir supposé. La phrase clivée « ce que c’est que l’amour » met en relief le caractère central et presque mystérieux de cette notion, renforçant l’idée que Perdican en détient la vérité.


En mettant en scène Rosette de cette manière, il cherche à démontrer qu’elle comprend mieux l’amour que Camille, mais cette apparente admiration cache une manipulation. Perdican joue un rôle, se positionnant en maître de l’amour pour séduire Rosette tout en provoquant Camille, qui assiste à la scène. Derrière l’éloquence et l’intensité de ses paroles, l’ambiguïté du sentiment demeure, révélant un mélange de sincérité et de calcul.



5. Conclusion


Dans cette scène centrale, la rencontre entre Perdican et Rosette à la fontaine mêle séduction, manipulation et réflexions sur l’amour. Perdican utilise un discours poétique pour séduire Rosette et contraster son innocence avec la froideur de Camille. Malgré la beauté apparente de son discours, Perdican manipule Rosette pour atteindre Camille. Cette scène met en lumière les tensions internes et oppose l'innocence manipulée de Rosette à la méfiance de Camille.


Cette scène fait écho à la scène 5 de l‘acte 2 où Perdican critique l’éducation que Camille a reçue et qui l’a détournée de l’amour vrai.




Focus sur : la structure clivée

Un prof à tes côtés - cours francais - musset - acte 3 - scene 3

Une structure clivée (ou extraction) est une construction grammaticale qui met en valeur une partie spécifique d'une phrase en utilisant un présentatif, comme "c'est... que" ou "c'est... qui".


Les mots ce...que ou ce...qui agissent comme un outil pour attirer l’attention sur un élément, en le mettant au centre de la phrase.



Transformation d’une phrase simple en phrase clivée :

le courage manque à ces soldats devient

c'est le courage qui manque à ces soldats : la structure clivée met l'accent sur le courage.


Dans la scène entre Perdican et Rosette, la phrase clivée revient deux fois dans la dernière tirade de Perdican : "sais-tu ce que c’est que l’amour ?".

Cela qui signifie qu'elle est construite pour mettre en valeur une partie spécifique de l'information, ici l’amour.

Comments


Commenting on this post isn't available anymore. Contact the site owner for more info.
bottom of page